Je suis non binaire

Je suis non binaire

Dans notre société, il y a des hommes et des femmes ; c’est ce que nous appelons la “binarité sociétale”. Certaines personnes ne se reconnaissent pas dans cette binarité. Elles refusent d’être “casées” ! Elles se déclarent être “non binaire” ou “genderqueer”. Qu’est-ce que cela signifie ? Lola Nicolas, responsable du groupe trans* de la MAC Lux, tente d’apporter une réponse à cette question.

drapeau-non-binaireJe n’ai pas la science infuse mais je vais tenter d’apporter une explication parce que ces personnes ont tout autant le droit, que les gens binaires, de vivre leur vie comme elles la souhaitent. Cette non binarité n’est pas plus une anomalie que le fait d’être gaucher, d’avoir les cheveux roux ou le fait de se sentir “femme” alors qu’on a été assigné “homme” à la naissance.

La définition du terme « non binaire » dit : « Les termes “non-binaire” et “genderqueer” désignent les personnes dont l’identité de genre ne s’inscrit pas dans la norme binaire, c’est-à-dire qu’elles ne se ressentent ni hommes ni femmes, estimant être entre les deux, ou un « mélange » des deux, ou aucun des deux. »

Si nous consultons “Wikipédia”, nous pouvons y trouver une explication de cet état de non binarité des personnes : « Cette identité s’oppose à la binarité de genre et à la hiérarchie des genres qui peut l’accompagner (le patriarcat). Elle remet aussi en cause l’assignation sexuelle à un genre donné. » Ces personnes ne veulent pas rentrer dans les cases qui organisent notre société depuis des millénaires et refusent cette hiérarchisation de la société où les hommes dominent les femmes. Elles contestent également cette assignation des êtres humains dès la naissance ; assignation qui n’est ni plus ni moins qu’une atteinte à la personnalité de l’enfant qui vient de naître !

En quelque sorte, ces personnes non binaires, en s’affirmant comme telles, posent un acte politique. Le concept de la non binarité dérange l’ordre hétéronormé de la société qui les rejette parce qu’elle est binaire et patriarcale. Les personnes “traditionnalistes” ont peur d’un chamboulement de “l’ordre des genres”. Éric Fassin, professeur de sociologie à l’université de Paris, explique que « dans une société dont l’évolution inquiète, certaines personnes peuvent vouloir se raccrocher à ce qui ne change pas en cherchant dans la nature, et dans l’idée que l’humanité est naturellement divisée en deux groupes, donnant une impression de stabilité dans un monde de moins en moins stable. »

Mais, je vais encore compliquer un peu plus cette situation ! C’est un fait qu’il n’est pas aisé d’admettre que certaines personnes soient non binaires et pourtant cette non binarité est multiple. Elle se qualifie par des mots qui vont rendre cette situation encore plus nébuleuse.

“Agenre” Étymologiquement, ce terme signifie “sans genre”. Être sans genre signifie « ne pas se reconnaître dans une identité de genre ». Le genre est neutralisé. Alors que la personne non-binaire se place sur une position intermédiaire sur l’axe homme/femme, la personne agenre se situe en dehors de cet axe.

“Neutrois” Ce terme qualifie une identité de genre qui est neutre ! Un individu se revendiquant ni femme, ni homme, ne s’identifiant ni au genre masculin, ni au genre féminin. Pour la majorité des gens, ça n’existe pas. Pourtant, certains pays ont admis ce “nouveau genre” en donnant la possibilité à ces personnes de demander que leur mention du genre sur leur document d’identité soit renseignée comme “neutre”.

Les identités “agenre” et “neutrois” sont le refus le plus affirmé d’un marqueur de genre et par conséquent la forme la plus poussée de la non binarité.

“Bigenre” Une personne bigenre est une personne qui s’identifie à deux genres à la fois. Attention : ces personnes ne sont pas d’un genre puis d’un autre genre dans une période de leur vie. Elles s’identifient de deux genres à chaque instant de leur vie.

“Pangenre” Il signifie « de tous les genres à la fois, de manière égale ». Cette identité de genre se situe sur le spectre non binaire mais aussi sur le spectre multigenre. Le terme “omnigenre” en est un synonyme. “Pangenre” peut être employé pour désigner un désintérêt total pour sa propre identité de genre (comment les autres voient son identité de genre), dans le sens où il y a un désintérêt pour l’utilisation de certains pronoms en particulier, tant que les autres n’insistent pas sur le fait que l’on soit cisgenre. Il désigne aussi un grand panel de genres qui peuvent, ou non, tendre vers l’infini (dans le sens où ce sentiment profond d’appartenance à certaines identités de genre peut même aller au-delà de la connaissance actuelle des genres). Pour être “pangenre”, une connaissance de toutes les identités de genre qui existent aujourd’hui n’est pas nécessaire, puisque cela va au-delà des genres connus.

“Genre fluide” Cela signifie que le genre d’une personne change au cours du temps entre n’importe quelle combinaison de genre (deux ou plus). Cela n’a rien à voir avec l’intersexuation car cet état ne se rapporte pas à une situation anatomique du corps. La définition de ce terme peut englober à la fois tous ceux qui, dans leur identité de genre, ne se sentent ni tout à fait homme ni tout à fait femme, ou à la fois homme et femme, ou encore homme né dans un corps de femme ou inversement. L’affirmation d’une identité de genre fluide est très visible dans le milieu de la mode.

Toutes ces catégories de genre sont englobées dans un terme générique de “transidentité”. Les anglophones ont convenu de qualifier toutes les identités de genre non-standard par le terme “trans*”, abréviation de « transgender » suivie d’un astérisque représentant la diversité du genre.

La non-binarité d’une personne peut provoquer d’intenses réactions de rejet en milieu scolaire ou familial. Le rejet des personnes non-binaires est appelé “enbyphobie”, un néologisme formé à partir des initiales de Non-Binaire, NB, prononcées à l’anglaise. Des enjeux tels que l’accès aux soins de santé, le harcèlement, la discrimination et la violence, sont les mêmes pour les personnes non-binaires et pour les personnes transgenres. Karine Espineira, sociologue des médias, chercheuse associée de l’université de Nice, estime que ce rejet est sans commune mesure avec la transphobie, que peut vivre une personne transgenre quand elle fait sa transition, qui est d’une violence inouïe dans l’espace public et familial. La qualification non-binaire est une manière paradoxale de « ficher l’indétermination. ».

Sur le site conservateur “Atlantico”, la psychologue Michelle Boiron, fait un lien avec une prétendue “théorie du genre” qui nierait la pluralité de la différence des sexes, et s’inquiète que selon les influences qu’il subit, le jeune homme ou la jeune femme, par définition encore malléable, optera de manière irréversible pour un sexe qu’iel pourra regretter plus tard, avec toutes les conséquences psychologiques. Pour le sociologue David Paternotte, ce lien relève de la théorie du complot.

Il ne faut pas confondre l’identité de genre non-binaire (qui concerne la façon dont la personne se ressent) avec l’androgynie qui fait référence à l’apparence (comment les autres personnes la voient) et l’intersexuation qui concerne les caractéristiques sexuelles (anatomiques, chromosomiques, etc.) : ce sont donc trois choses différentes. De plus, l’identité de genre est indépendante de l’orientation sexuelle : toutes les personnes, y compris celles qui se considèrent non-binaires, peuvent être hétérosexuelles, homosexuelles, bisexuelles, asexuelles, pansexuelles.

Quand vous êtes en face d’une personne non binaire, vous allez sans doute éprouver des difficultés pour vous adresser à elle. Vous n’allez pas pouvoir déterminer d’initiative quels pronoms utiliser ni comment accorder les qualificatifs. N’hésitez pas à lui demander comment elle se détermine. Elle vous répondra qu’elle se détermine en tant que “il“ ou “elle”. Il vous sera alors aisé de vous entretenir avec elle sans la blesser dans son identité revendiquée. Merci pour elle !

A noter : le 14 juillet est l’International Non-Binary Day of Visibility (Journée internationale de la visibilité de la non binarité).

Un article de Lola Nicolas, responsable du groupe trans* de la MAC Lux


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